Ce que nous dit la boucle

Suite du travail initié lors du Hackathon-covid le 24 avril dernier. Le projet 3I – Létalité et durée d’hospitalisation a permis d’identifier le mécanisme de boucle de réhospitalisation. Cette boucle se trouve être l’explication du scénario Hôpital eXtrange, c’est à dire pourquoi un certain nombre de patients comptabilisés ne rentraient pas bien dans les calculs du simulateur CT. Autant prévenir tout de suite, ce n’est pas simple à comprendre, mais ça aboutit à une donnée intéressante.

Rappel de l’origine du problème

En croisant deux sources de données, un écart significatif est constaté pour les entrées en hospitalisation. Ce n’est pas nouveau, disons que nous n’avions pas d’explication lors du constat. En détail, prenons la situation à mi-juillet 2020 :

Il y a donc un écart cumulé de 11035 entrées en hospitalisation à expliquer pour mi juillet. D’un autre côté il y a aussi un écart sur les sorties à la même date :

Il y a donc un écart de 4900 sorties à expliquer pour mi juillet.

Modélisation des écarts

Nouveau calcul d’écart

Comme expliqué dans l’article Un an de calculs, à tout moment une équation simple doit être vérifiée, elle consiste à dire que la somme des (E)ntrées doit être égale à la somme des sorties (R)etours à domicile et des (D)écès + la somme des patients qui ne sont pas encore sortis, ce sont les (H)ospitalisés :

somme(E) = somme(D) + somme(R) + somme(H)

Ce qui peut aussi s’écrire :

somme(H) = somme(E) - somme(D) - somme(R)

Cette formule permet de calculer l’écart entre le nombre d'(H)ospitalisations selon la source SI-VIC et le nombre d'(H)ospitalosations calculées selon la source Geodes. Mise en pratique au 15 juillet :

  • (H) selon SI-VIC = 6915
  • (H) selon calcul Geodes = 116785 – 20263 – 83720 = 12802

Faisons la différence 12802 – 6915 = 5887 hospitalisations sont en écart, la valeur calculée n’est pas loin du double de la valeur officielle SI-VIC à ce moment là.

Suivi des écarts dans un nouveau graphique

La présentation du raisonnement fait jusqu’ici concernait un jour en particulier, le 15 juillet. Pour aller plus loin dans le réglage de la modélisation, ces écarts ont été reportés au jour le jour dans le graphique suivant, que nous allons expliquer.

  • La courbe bleu foncé concerne l’écart que nous avons calculé à l’instant. Il se cumule à 5887 hospitalisations à la fin du graphique, au 15 juillet.
  • La courbe rouge foncé concerne l’écart constaté sur les sorties. Il se cumule à 4900 à la fin du graphique au 15 juillet.

En couleur bleu, nous pouvons considérer qu’il s’agit des hospitalisations « qui ne rentrent pas » dans le modèle de calcul initial, puisqu’elles correspondent à un écart. En couleur rouge, nous pouvons considérer qu’il s’agit des sorties « qui ne rentrent pas » dans le modèle de calcul initial puisqu’elles correspondent aussi à un écart.

Rappel du diagramme de flux

Pour tenter de faire entrer ces écarts dans le modèle numérique du simulateur CT CovidTracker, le schéma de calcul correspond maintenant à ce diagramme :

Schéma scénario des circuits de patients Covid-19, avec identification de la Boucle et de la Fausse sortie, actualisation au 25 mai 2021

Le schéma est complexe, mais il s’agit ici de voir la Boucle de réhospitalisation, qui prend un pourcentage de patients en SSR (rose) pour les faire entrer une deuxième fois à l’hôpital. Il faut aussi remarquer la sortie (F)ausse, avec l’hypothèse que ce n’est pas un (R)etour à domicile, mais une sortie des services covid-19 pour suite de traitement vers d’autres services hospitaliers non covid.

Prise en compte des écarts et calculs dans le simulateur CT

L’algorithme de calcul a été revu pour prendre en compte l’écart sur les entrées. Il considère qu’un même patient covid-19, quand il passe par la boucle de réhospitalisation, alors il comptabilise deux (E)ntrées hospitalières. Mais il ne comptabilise pas deux (R)etours à domicile, il y a là une subtilité ! Pour rattraper l’écart sur les sorties, l’algorithme comptabilise la sortie (F)ausse, comme une sortie en plus. Dans le graphique ci-dessous, les courbes en traits plus épais correspondent aux valeurs calculées par le simulateur.

Effectifs des patients covid-19 en réhospitalisation ou sortis pour autre hospitalisation, Simulateur CT et données Santé publique France, période de mars à mi-juillet 2020

La courbe en jaune pointillé est une déduction des courbes bleu et rouge : l’écart des hospitalisations (représenté en bleu) est en fait la somme de l’écart des sorties pour autres hospitalisations (représenté en rouge) plus les patients en cours d’hospitalisation via la boucle. Pour résumer, jaune = bleu – rouge. Ce calcul permet donc d’accéder à une information supplémentaire : combien de patients ont été concernés par la réhospitalisation.

Réhospitalisation, un circuit de crise

La réhospitalisation s’explique en fait simplement. Les patients concernés sont ceux qui n’arrivant pas suffisamment bien à se remettre de la covid-19, passent d’un service de soins de rétablissement (SSR ou USLD) à un retour au service de traitement de la covid-19. Dans la pratique, il ne s’agit pas tout le temps des mêmes établissements. En période de forte charge du virus, les établissements pour SSR ou USLD ont connu aussi des arrivées importantes, et parfois ils pouvaient servir « d’amortisseurs » de la charge des hôpitaux qui géraient les flux de nouveaux malades en direct. Ainsi pourrait-on en déduire que plus la boucle était sollicitée, plus la tension était forte. Au moment du pic du printemps 2020, il y aurait eu environ 1600 patients « en boucle » sur 32000 hospitalisations en cours, ce qui correspond à 5%.

Pour ces patients, c’était aussi certainement un parcours de soins plus long. Nous verrons ça dans un prochain article. Quant au nombre de (F)ausses sorties, à mi juillet 2020, 4900 / 78820 = 6%, c’est l’estimation du taux de patients qui ne rentraient pas à domicile après s’en être sorti de la covid-19.

Philippe Brouard

  1. REMY CHAMBARD dit :

    Bonjour
    Je viens de réaliser que depuis 17 mois que nous ommes confrontés au COVID-19, je n’ai pas vu d’analyse permettant de démontrer que le COVID avait le même effet sur les hommes que sur les femmes, pas d’analyse permettant de prouver que la dose de vaccin devait être la même pour les femmes et pour les hommes, pas d’analyse sur les effets du COVID-19 sur les femmes enceintes, les foetus.
    Est-ce qu’on aurait pas là un bel exemple de sexisme ? une invisibilisation des différences physiologiques entres les femmes et les hommes et que personne ne se pose la question ? PArce que potientiellement, on a de la donnée ! on a vacciné des millions de femmes et d’hommes. D’ailleurs, a-t-on le même taux de vaccination chez les deux ?
    PS : Je suis en train de lire « Femmes invisibles » de Caroline Criado Perez aux éditions F1RST. La quatrième partie « Chez le médecin » m’a peut être influencé pour poser ces questions
    Sincèrement
    Rémy

    • Philippe Brouard dit :

      Bonjour Remy

      Pour compléter, vous pourrez trouver des indicateurs différenciés par sexe dans les bulletins hebdomadaires de Santé publique France : https://www.santepubliquefrance.fr/presse?max_per_page=10&themes%5B%5D=89 rechercher les mots clés « hommes » et « femmes » dans les bulletins en PDF. Exemple au 10 juin 2021:

      42% des décès à l’hôpital concernent des femmes.
      Les femmes sont en légère avance sur la vaccination, avec un taux de 44% première dose, quand les hommes sont à 40%.

  2. Rémi dit :

    Cher Remy, vous devriez faire un peu de recherche vous meme avant de monter sur vos grand chevaux. Il y a eu une multitude d’etudes en France et ailleurs. Il apparaitrai que le virus du covid serait meme un peu misanthrope !!!. Ce ne sont que des etudes préliminaires mais les hormones féminines auraient un leger effet positif sur la resistance au virus.

    • François dit :

      Un grand merci pour ces explications et cette analyse. Petite remarque de vocabulaire (d’une importance très mineure) : « misanthrope » fait référence au genre humain en général (hommes et femmes). Ce serait plutôt « misandrie » (le correspondant de « misogynie ») qu’il faudrait utiliser ici.

  3. Kiki dit :

    Moi aussi je suis surprise que l’on continue à entendre tout et son contraire et que la médecine ait plus versé dans la politique que dans la science.

  4. JCD dit :

    Bonjour Philippe,

    Très intéressant.
    Ces 5% restent a peu près constants sur fin 2020 et 2021 (hors vague de Novembre et mars/avril peut-être) ?

    PS : @Kiki, même si ça n’est pas facile de s’y retrouver, ne pas confondre « la médecine et la science » exercée sur les plateaux télé et « la médecine et la science » qui travaillent depuis des dizaines d’années sur les vaccins à ARN par exemple !

  5. delilederé dit :

    Pourvu que nos politologues , sondeurs et autres ne fassent pas autant d’analyses , surtout pour l’abstention
    suite aux élections départementales et régionnales .

    La taux de participations à celles-ci diminuent-ils plus vite que le COVID ?

    Cogitez

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