Plus de 42000 nouvelles personnes détectées positives au coronavirus ces dernières 24 heures. C’est toujours un étonnement, on a du mal à y croire, mais c’est malheureusement une conséquence mécanique du fait que Reffectif reste fortement au dessus de la valeur 1. L’épidémie accélère, c’est d’autant plus inquiétant qu’elle avance déjà à vitesse très rapide. La situation semble hors de contrôle.
Analyse des foyers de contamination
Pour entrer en détail dans l’analyse de l’épidémie, le bulletin hebdomadaire de Santé publique France est une des sources d’information incontournables. L’édition du 22 octobre confirme la dégradation de la situation. Pour apporter un éclairage complémentaire aux précédents extraits du bulletin déjà cités, regardons ce que dit Santé publique France sur l’évolution des foyers de contamination (clusters).
Malheureusement, depuis deux semaines, il n’y a plus de détails dans les bulletins hebdomadaires au sujet de l’origine de ces foyers. Faut-il y voir un signe que l’investigation n’arrive plus à suivre le rythme de l’accélération des contaminations ? Nous pouvons seulement retrouver des informations sur le bulletin du 8 octobre :
Les lieux qui arrivent en premier pour la survenue de foyers de contamination sont : les entreprises privées et publiques, le milieu scolaire et universitaire, les établissements de santé. On peut alors s’interroger sur la capacité du couvre feux de 21h à 6h du matin à enrayer vigoureusement la vitesse de l’épidémie.
Nombre de reproduction trop élevé
De l’ordre de 1,3 la valeur de Reffectif est trop forte et ne baisse pas assez rapidement. Rappel, il faut passer sous le seuil de 1 pour commencer à voir une amélioration lente de la propagation du virus. Il est probablement trop tôt pour juger de l’efficacité des nouvelles mesures contraignantes, mais en attendant la situation se dégrade quand même. Pour le simulateur CovidTracker, nous avons ajusté l’estimation de R pour s’adapter à l’évolution actuelle.
Par rapport à la semaine dernière, l’estimation a été légèrement réévaluée car la vitesse est un peu plus rapide que prévu. Il faut cependant remarquer qu’on pourrait observer le début d’une tendance à la baisse, tout en restant en territoire supérieur à 1.
En conséquence, seuil à 1 million de tests positifs PCR atteint
Prévu lors des précédentes simulations, le seuil à 1 million de tests positifs PCR est atteint depuis aujourd’hui. C’est une progression exponentielle : environ 7 mois pour comptabiliser les 500000 premiers cas positifs et environ 1 mois pour comptabiliser les 500000 cas suivants !
Pour voir plus loin, le nouveau graphique présente un plafond à 2,5 millions :
La progression de l’usage des tests rapides antigéniques (TRA) pourrait avoir un effet sur la courbe. Pour cette raison, il faudra surveiller l’évolution du ratio du nombre de personnes asymptomatiques / symptomatiques chez les personnes testées dans les prochaines semaines. Plus les tests sont massifs, plus on peut s’attendre à avoir beaucoup de personnes asymptomatiques. Ce taux est assez stable depuis plusieurs semaines, de l’ordre de 65%.
Évolution de la situation hospitalière
Selon ces données récentes et en poursuivant les calculs effectués par le simulateur CovidTracker à réglages constants, la projection des courbes pour la situation hospitalière du covid-19 dans les hôpitaux a été actualisée :
La nouvelle modélisation a pour conséquence de relever le niveau de la seconde vague. Elle se trouverait alors sensiblement plus importante que la première vague, tout en gardant l’hypothèse que Reffectif serait à la baisse de façon importante dans les prochaines semaines. La seconde vague occasionnerait environ 15000 décès jusque vers la fin du mois de novembre. Ci-dessous un zoom sur les deux courbes du nombre d’hospitalisations et du nombre de patients en réanimation.
Le seuil maximum pour le nombre de personnes en réanimation serait légèrement supérieur à celui de la première vague.
Situation dans les EHPAD et EMS
Le simulateur propose une nouvelle projection pour la situation dans les EHPAD et EMS, en lien avec l’évolution de la situation hospitalière.
Nous constatons là aussi une dégradation de la situation. La nouvelle courbe du nombre de tests positifs est plus élevée que prévu. En conséquence, le lien avec la courbe bleue a été renforcé, son influence passe de 5% à 8%. On constate aussi une légère augmentation de la projection du nombre de décès dans ces établissements.
La seconde vague est-elle sous contrôle ?
Au vu de ces projections, l’objectif de ne pas déprogrammer des interventions médicales pour les autres pathologies que la covid-19 semble impossible à atteindre. Nous serions alors confronté à une situation qui pourrait être plus grave que celle du printemps dernier. Enfin, c’est bien dommage, la dernière conférence de presse du Gouvernement ne présentait plus de simulations effectuées par l’Institut Pasteur. Difficile de savoir dans ces conditions si la cellule de pilotage connait ce qui nous attend dans les jours à venir.
Prenons soins de nous tous
Philippe Brouard
« Au vu de ces projections, l’objectif de ne pas déprogrammer des interventions médicales pour les autres pathologies que la covid-19 semble impossible à atteindre. Nous serions alors confronté à une situation qui pourrait être plus grave que celle du printemps dernier. »
Tel qu’est tourné cette phrase, on pourrait croire qu’au printemps dernier il n’y a pas eu de déprogrammation d’interventions chirurgicales d’autres pathologies.
Or dans les zones très fortement impactées, il y a déprogrammation de toutes les interventions non urgentes. Et plus de 100% des lits de réanimation (puisqu’il a fallut en ouvrir des supplémentaires en urgence) étaient occupés.
Après savoir si la situation serait plus grave lors de cette deuxième vague ou non, c’est probable, car lors de la première des régions on été relativement épargnée, lors de la seconde toutes les régions semblent concernées même s’il y en a moins fortement que d’autres.
Bonjour, vous avez raison la formulation n’est pas la plus habile. Dans ce cas, je pensais à un « alors » qui est un adverbe temporel, plutôt que l’expression d’une conséquence de la phrase précédente. Vous faîtes bien de rappeler que les déprogrammations ont été massives lors de la première vague.
Bravo et merci pour ces analyses et l’exploitation pertinente des données disponibles.
Les effets des mesures actuelles sont absentes ou non visibles et au vu de l’évolution exponentielle des hospitalisations une éventuelle mesure de confinent semble déjà bien tardive pour endiguer cette seconde vague…
Bonjour, il y a certainement du retard à rattraper. C’est justement sur ce thème que se prépare le prochain article. Merci à vous aussi de nous suivre
Félicitations pour votre travail qui est un excellent support pédagogique pour tous !
Bonjour, merci, il y a maintenant une belle collection d’articles pour expliquer le fonctionnement de la simulation. Je dirais qu’il ne faut pas hésiter à remonter sur les articles plus anciens car tout n’est pas réexpliqué à chaque fois.
Comment expliquer l’augmentation tendancielle du R0 depuis la fin du confinement ?
Les mesures s’étant durcies, on s’attendait plutô à une stagnation voir une baisse.
Est-ce que le nombre de malades augmente structurellement le R0, les proba de contamination seraient une fonction non linéaire du nombre de malades ?
Enfin, est-ce qu’on a une idée de la précision du R0, celle ci varie-t-elle avec le nombre de tests ?
Bonjour, voici beaucoup de questions, merci pour votre intérêt sur les articles du blog. Pour essayer de répondre en quelques mots, je dirais que tenter d’analyser R c’est un peu comme prendre la température d’un malade. Il y a plusieurs façons de faire, toutes ne donnent pas le même résultat, et les outils (tout comme les thermomètres) n’ont pas tous la même fiabilité. R n’est pas une chose en soi, c’est une mesure d’un phénomène. Santé publique France propose trois mesures de R différentes. Sur CovidTracker, nous utilisons deux mesures et nous faisons la moyenne des deux pour donner une indication. Nous voyons que ce nombre peut varier rapidement en quelques jours. Il est donc le reflet de quelque chose d’assez imprévisible (et qu’on ne sait pas expliquer). Par conséquent, la tentative de prévision de l’évolution de l’épidémie pourra se porter sur quelques jours, quelques semaines tout au plus. Enfin, la valeur de R ne dépend pas du nombre de malades. Par exemple, imaginons que R soit stable sur la valeur 2. Chaque personne contagieuse (donc potentiellement malade) en contamine deux autres. Le nombre de nouveaux malades augmente ainsi tout le temps, passant de 1 à 2, puis à 4, puis à 8, puis à 16 et ainsi de suite, alors que R reste à la valeur 2 (pour passer de 8 à 16 nouveaux malades, la quantité a été multiplié par 2).
Merci bien, j’ai bien compris le caractère géométrique du R0, la question portait plus sur les hypothèses pour expliquer qu’il ne baisse pas… mais ca relève de l’infectiologue plus que du statisticien on est d’accord. Merci pour vos éclaircissements
Oui, « géométrique » c’est le mot exact, bravo. On pourrait dire que R en est la « raison ». Exact, je ne suis pas infectiologue 😉
Il est curieux de faire des projections sans prendre en compte les classes d’âge alors que l’on sait que le risque d’hospitalisation est à 70 ans 50 fois supérieur à celui constaté à 40 ans (cf. article de Clif dans le BMJ) et qu’il y a un facteur multiplicatif supplémentaire de 2 à 6 pour certaines comorbidités) cf. autre article du même numéro du BMJ).
De même la durée moyenne de séjour tant en HC qu’en réa est fonction de l’âge (3 fois plus longue au delà de 70 ans en réa)
Ce qui veut dire et c’est ce que montrent les chiffres de Spf que ces modèles doivent intégrer les risques par classes d’âge; le modèle SIR étant trop simple.
Bonjour, vous pourrez trouver des informations très détaillées sur les classes d’âge dans le tableau de bord France sur CovidTracker. J’ai pensé exactement la même chose que vous, tout en continuant à travailler sur ce modèle de simulation: est-ce que ça ne serait pas vain de s’appuyer sur des données aussi généralistes? Le modèle du simulateur CovidTracker ne tient pas compte ni des classes d’âge, ni de la géographie. J’ai considéré deux réponses. En 1), comme il s’agit ici d’un travail conduit sur du temps libre et avec les moyens du bord, faire plus fin n’est pas à la portée de quelques bénévoles. En 2), à regarder la volatilité de R estimé au niveau régional sur le tableau de bord France CovidTracker, je me suis dit que descendre en finesse doit être très compliqué. C’est peut-être en définitive l’échelle nationale et tous âges confondus qui donne la masse critique suffisante à ce type de modélisation. Je peux vous dire aussi qu’elle n’est pas si simple que ça.
[…] que le soulignait le site compilant et analysant des données de surveillance de l’épidémie, Covidtracker. On comptait sept fois plus de personnes hospitalisées pour Covid en France que mi-mars et le […]