Au milieu de l’été nous avons posé la question : l’été est-il mal engagé pour préparer l’automne ? La réponse était vraisemblablement oui. Les signaux se multiplient pour remonter le niveau d’alerte. La simulation CovidTracker au 2 octobre ne s’est pas concrétisée comme prévu. L’ajustement des paramètres redonne de l’importance à la seconde vague.
Des indicateurs qui s’aggravent
La France vire au rouge
Le niveau d’incidence révèle le nombre de nouvelles contaminations au SARS-CoV-2 pour 100000 habitants sur une durée de 7 jours. Son évolution présentée en animation sur le tableau de bord France montre le pays virant petit à petit au rouge au cours des dernières semaines. Il ne reste plus beaucoup de départements verts. À quand une France tout en rouge ? La diffusion de l’épidémie étant globalement répartie à l’échelle nationale, elle empêchera sans doute d’hypothétiques transferts de patients pour soulager des territoires saturés dans les hôpitaux.
CovidTracker actualise régulièrement les graphiques pour une analyse détaillée de la situation. Guillaume Rozier propose de visualiser l’évolution de cette incidence par tranche d’âge.
Les contaminations continuent de se situer majoritairement chez la population jeune (étudiante notamment), mais elles concernent de plus en plus les populations plus âgées. L’incidence est au delà du seuil d’alerte renforcée pour la tranche d’âge des personnes de plus de 65 ans (>50).
Taux de positivité des tests PCR en progression constante
Il y a eu 15% de tests en moins effectués la semaine passée par rapport au maximum en semaine 37 (mi-septembre) où le cumul montait à près de 1 250 000 tests ! En France, on teste beaucoup, c’est certain. Un des graphiques présentés en conférence de presse par le Ministre de la santé cette semaine (disponible en replay) montre que les laboratoires trouvent de plus en plus de personnes positives au virus, même avec la légère baisse du nombre total de tests effectués.
Vous pouvez retrouver une représentation plus précise de cet indicateur sur le tableau de bord France CovidTracker. Ainsi, chaque jour tous les 10 tests effectués en laboratoire, un test révèle la présence du virus. Il fallait faire 100 tests pour avoir le même résultat pendant la période estivale. C’est donc un nouveau seuil d’alerte atteint.
Le nombre de reproduction Reffectif repart à la hausse
C’est l’indicateur qui donne la direction, lorsqu’il est au dessus de 1 l’épidémie s’aggrave. Pour modéliser une seconde vague « sous contrôle » nous avions imaginé l’hypothèse où Reffectif repasserait durablement sous la barre 1. Dans les faits, il n’est resté probablement que quelques jours sous ce seuil, fin septembre. Le bulletin de Santé publique France au 08 octobre affiche le retour de Reffectif du mauvais côté.
En automne et en hiver, c’est naturellement la saison des rhumes et de la grippe. Les contagions sont favorisées par la vie « à l’intérieur » plutôt qu’au grand air. Reffectif aura des difficultés à redescendre. Faut-il s’attendre à des nouvelles contraintes de circulation des personnes ?
En résumé, il y a de plus en plus d’arrivées dans les hôpitaux
L’évolution de l’ensemble de ces indicateurs se concrétise avec la lecture de la hausse des entrées à l’hôpital pour cause de covid-19. Rien ne semble indiquer que le flux pourrait ralentir dans les prochains jours. Il n’y a pas de progression vertigineuse du flux, mais le volume en cours des entrées est similaire à celui identifié le jour du confinement au 17 mars 2020 : de l’ordre de 700 nouvelles arrivées par jour au niveau national.
Sans une baisse de Reffectif, la courbe des entrées à l’hôpital ne pourra pas retomber. Ou alors il faudrait que la proportion des personnes asymptomatiques progresse, ce qui n’est pas le cas actuellement. Cette proportion est constante selon Santé publique France, environ 35% d’asymptomatiques parmi les personnes testées positives.
Situation dans les hôpitaux
Réglage de Reffectif pour le simulateur CovidTracker avec hypothèse à la baisse
Malgré le rebond récent de Reffectif (de 1,0 à 1,1), nous proposons de continuer à simuler un scénario de seconde vague « sous contrôle » grâce au chemin critique imaginé en août dernier. Nous avons remarqué qu’une baisse de R à un rythme de 0,2 point par mois est possible, dans le cadre de la mise en place progressive de mesures barrières. Le nouveau graphique pour le réglage de R dans le simulateur est donc le suivant :
Ce scénario pourrait ramener Reffectif à la valeur 0,8 pour la fin novembre.
En conséquence pour le nombre de nouveaux cas positifs PCR
Ce réglage de R permet d’actualiser le calcul pour l’évolution du nombre de cas positifs dans les semaines à venir. La barre du million de cas positifs se rapproche un peu plus.
Situation dans les hôpitaux
Quelle est alors l’actualisation de la simulation hospitalière ? En conférence de presse le 8 octobre, le Ministre de la santé a présenté des situations qui se tendent pour les hôpitaux des grandes métropoles : Paris et l’Île-de-France, Aix-Marseille, Lyon, Saint-Étienne, Grenoble, Bordeaux, Lille. Ces grandes villes représentant une grande partie des capacités hospitalières nationales, la tension devrait commencer à se matérialiser à l’échelle du pays. Le simulateur CovidTracker a été ajusté sur la dynamique en cours pour lancer une nouvelle projection.
La modélisation fait à nouveau apparaître la seconde vague. C’est une conséquence de l’orientation moins favorable que prévue pour Reffectif. Des petites variations de sa valeur, même de l’ordre d’un dixième de point, ont des conséquences importantes à long terme. C’est pour cette raison que nous le surveillons de près.
Évaluation du premier seuil d’alerte occupation des lits de réanimation au niveau national
Le pilotage de la seconde vague vise à éviter de saturer les services de réanimation, pour que les hôpitaux continuent à fonctionner vis à vis des autres pathologies que la covid-19. Le premier seuil d’alerte est fixé à 30% d’occupation des lits de réanimation par des patients covid-19. Le nombre de lits de réanimation fait partie de la comptabilisation par la Statistique annuelle des établissements (SAE). Ce nombre s’élèverait à 5500 fin 2018, le premier seuil d’alerte serait alors situé vers 1650 lits.
Le bas du graphique de la situation hospitalière n’est pas très lisible car la courbe du nombre de patients en réanimation est très proche de l’axe des abscisses. Pour y voir plus clair, voici un graphique avec un zoom sur les deux courbes : nombre de patients hospitalisés et nombre de patients en service de réanimation.
Cette représentation permet de matérialiser le seuil de 30% des lits de réanimation occupés par des patients covid-19. Nous sommes en fait très proche du premier seuil d’alerte au niveau national.
Situation dans les EHPAD et EMS
Nous poursuivons notre étude d’une simulation hypothétique de la situation dans les EHPAD et EMS, basée sur un lien avec la situation hospitalière nationale. De façon étonnante cette dernière semaine, il n’y a pas eu d’actualisation significative des chiffres pour les établissements EHPAD et EMS. Nous proposons cependant le graphique du simulateur CovidTracker.
Nous nous attendons alors à une hausse du nombre de cas détectés positifs dans les prochains jours et toujours à une très faible augmentation du nombre de décès dans ces établissements. C’est étrange, mais autant s’en féliciter.
Vigilance renforcée
À la différence de la semaine dernière, les signaux envoyés cette fois-ci sont peu rassurants. La seconde vague apparaît toujours « sous contrôle », mais la tension monte. Le personnel soignant risque d’être mis à dure épreuve une seconde fois. La prévention des risques par le respect au mieux des gestes barrières reste continuellement la première chose à faire pour nous tous.
Nous tenterons de proposer une nouvelle actualisation des calculs du simulateur de façon hebdomadaire.
Philippe Brouard
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