Sortie accélérée dans les hôpitaux

Il y a quelques jours un changement inattendu a bousculé la modélisation de l’évolution épidémiologique de la covid-19 dans les hôpitaux français. Le nombre total d’hospitalisations a connu trois jours de baisse marquée (18 au 20 septembre), rompant ainsi avec la tendance de reprise enclenchée depuis début septembre. Comment interpréter ce changement ? Nous allons tenter une explication à l’aide du simulateur CovidTracker.

Calcul de la durée moyenne du séjour à l’hôpital avant retour à domicile

Le simulateur CovidTracker a été élaboré de manière à suivre l’évolution des effectifs des patients dans les différentes situations possibles à l’hôpital : hospitalisation simple, en service de réanimation, en service de soins de suites et de réadaptation (SSR). Le nombre d’entrées à l’hôpital et le nombre de sorties pour retour à domicile sont récupérés directement des données de Santé publique France sur la site de partage de données data.gouv.fr. Pour vérifier les calculs, nous nous assurons que personne n’est oublié entre l’entrée et la sortie (retour à domicile ou décès à l’hôpital). Dans le cas du retour à domicile, nous avons modélisé une situation à trois scénarios :

  • Séjour court – hospitalisation simple
  • Séjour moyen – hospitalisation simple avec prolongation en service SSR
  • Séjour long – passage en service de réanimation puis prolongation en service SSR
Trois durées de séjour possible à l’hôpital pour soigner la covid-19, modélisation CovidTracker

Vous pouvez retrouver une explication plus complète sur ce modèle dans l’article sur la simulation du 22 juin. Chaque scénario est associé à un pourcentage plus ou moins fort, pouvant varier dans le temps, selon qu’il est plus ou moins constaté dans la réalité. Par exemple, le pourcentage du scénario le plus long a un effet direct sur le nombre de personnes en services de réanimation. C’est en ajustant les pourcentages et les durées des scénarios que le simulateur CovidTracker parvient à reproduire les courbes des données officielles publiées par le Gouvernement.

Avec ce modèle, le calcul de la durée moyenne du séjour à l’hôpital est possible, il s’agit d’une moyenne pondérée. La formule peut se résumer de cette façon :

Durée moyenne du séjour =
(
     pourcentage du séjour court * durée du séjour court
   + pourcentage du séjour moyen * durée du séjour moyen
   + pourcentage du séjour long * durée du séjour long
)
/
(
     somme des trois pourcentages
)

De mars à septembre le résultat de ce calcul permet d’établir le graphique suivant :

Évaluation de la durée du séjour à l’hôpital, simulateur CovidTracker, covid-19 France

Voici quelques éléments d’analyse. Au début la durée est plutôt courte car les personnes pouvant sortir de l’hôpital sont majoritairement des personnes passant par le séjour le plus court. Puis la durée s’allonge de façon importante. Nous l’avons remarqué dans l’article sur la simulation du 22 juin, car le nombre de sorties de l’hôpital était moins fort que prévu. C’est l’effet inverse depuis la fin août, le nombre de sorties est régulièrement plus fort que prévu, comme une conséquence directe d’un séjour plus court à l’hôpital.

Cette information a été relayée depuis la rentrée. Nous savons que les personnels de santé parviennent à mieux soigner la maladie covid-19. Grâce au savoir capitalisé avec la première vague, la gestion des patients est maintenant mieux maîtrisée, c’est une très bonne chose. La baisse de la durée moyenne du séjour est cependant très marquée et elle pourrait nous interroger.

Actualisation de l’indicateur Reffectif, nombre de reproduction

Données de Santé publique France au 24 septembre

Parmi la mine d’informations du bulletin hebdomadaire de Santé publique France, nous vérifions régulièrement que les indicateurs officiels sont en cohérence avec les bases de calculs pour le simulateur. Nous portons une attention à l’évolution de Reffectif (voir aussi sur le tableau de bord France de CovidTracker) ainsi qu’à celle du nombre de personnes symptomatiques ou asymptomatiques chez les cas positifs. Le nombre de reproduction continue à baisser selon les données SI-DEP (relatives aux nombres de tests positifs). Cette baisse est conforme à l’hypothèse que nous avons proposée depuis la fin de l’été pour modéliser une seconde vague sous contrôle, c’est une bonne chose.

Évolution de Reffectif selon Santé publique France, actualisation du bulletin national au 24 septembre 2020, page 22

Cette bonne tendance est à nuancer par deux autres indicateurs. Tout d’abord le nombre de tests a légèrement diminué, ce qui peut induire une baisse mécanique du nombre de cas positifs détectés.

Extrait du bulletin de Santé publique France au 24 septembre 2020, mentionnant la baisse du nombre de tests effectués cette dernière semaine.

Le deuxième indicateur pour nuancer porte sur l’évolution des cas symptomatiques qui deviennent plus nombreux qu’au début du mois de septembre.

Évolution de la part des cas symptomatiques et asymptomatiques parmi les personnes testées positives au SARS-CoV-2 en France, actualisation du bulletin de Santé publique France au 24 septembre 2020, page 8

Ce basculement vers les cas symptomatiques pourrait être le reflet de la diffusion de l’épidémie dans l’ensemble des tranches d’âge de la population française, avec comme conséquence de toucher des personnes plus fragiles que la population jeune concernée pendant les transmissions durant l’été.

En pratique dans le simulateur CovidTracker

Le simulateur continue à fournir une bonne estimation pour le nombre de nouveaux cas positifs car l’évolution de Reffectif est conforme à notre scénario hypothèse pour une seconde vague sous contrôle.

Évolution de Reffectif pour le simulateur CovidTracker, actualisation au 24 septembre, scénario de chemin critique avec hypothèse R à la baisse.

Le nombre de nouveaux cas positifs aux tests PCR a évolué comme prévu lors de la précédente simulation, avec la barre des 500000 tests positifs quasiment atteinte en ce 24 septembre.

Évolution du nombre de cas positifs au SARS-CoV-2, données Santé publique France et simulateur CovidTracker, actualisation au 24 septembre 2020

Actualisation de la projection pour la situation hospitalière

Sur la base des calculs menés jusqu’à présent, le simulateur CovidTracker a permis de réajuster l’évaluation de la tendance à venir. Les calculs ont été relancés à réglages constants par rapport à la situation en cours, sauf pour la valeur de Reffectif qui est paramétrée toujours à la baisse dans les semaines à venir. Il y a une différence très marquée avec la précédente simulation du 10 septembre. Les courbes suivent l’influence du nombre de sorties accélérées à l’hôpital.

Simulation de la situation hospitalière covid-19 France selon CovidTracker, sur la base des données de Santé publique France, actualisation au 24 septembre 2020.

Nous constatons un effet immédiat de ce changement de situation : son fort potentiel pour casser la seconde vague précédemment modélisée. La valeur maximum du nombre de patients en services de réanimation resterait inférieur à 2500. Enfin, il faut remarquer que du point de vue de l’évolution du nombre de décès, il n’y a pas de changement par rapport à la précédente simulation.

En conclusion

Alors que la teneur des informations ces derniers jours vise à augmenter le niveau d’alerte face au rebond de l’épidémie, cette nouvelle simulation présente un aspect plus positif que prévu. La seconde vague prend soudainement l’allure d’une vaguelette. Pour autant ce modèle à l’échelle nationale peut cacher des disparités locales avec des situations tendues.

Le niveau d’incertitude est assez fort vu la différence notable apparue en quelques jours. Il faut donc prendre cette projection avec beaucoup de recul. Continuons à rester vigilants.

Philippe Brouard

  1. Jean Kaweskars dit :

    Bonjour,
    L’explication est bien plus triviale et visible dans les données de Geodes / SPF : les 3 jours de baisse (-700 hospitalisés) concernent les personnes de plus de 60 ans des départements Essonne, Val d’Oise et Hauts de Seine d’Ile de France.
    Soit une baisse de 45% en 3 jours du stocks d’hospitalisés total sur ces 3 départements.
    Bref un biais cachant soit une correction de données erronées, soit que les hôpitaux impliqués n’ont, à dessein, pas déclarer des sorties intervenues plus tôt afin de recevoir un financement supplémentaire de la Sécurité Sociale.
    Bien à vous

    • Philippe Brouard dit :

      Bonjour,
      Merci pour cette précision. Nous avons eu des « rattrapages » similaires de données dans les semaines passées, comme par exemple le pic à 122 décès le 18 septembre (beaucoup plus fort comparé aux jours précédents et suivants). Il s’agissait semble-t-il de la correction d’un oubli. Le raccourcissement de la durée du séjour à l’hôpital semble se confirmer pourtant comme une tendance sur ces dernieres semaines. En comparaison, au jour de l’entrée en vigueur du confinement le 17 mars, le flux des entrées à l’hôpital était de l’ordre de 650 personnes (comme en ce moment). Le flux de sortie étant à ce même moment très faible, l’occupation globale des hôpitaux avait alors grimpé en flèche. Dommage que cette métadonnée de durée du séjour ne soit pas communiquée officiellement, ou alors difficile à trouver.
      cordialement

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