Actualisation de la simulation seconde vague sous contrôle

L’inquiétude pointe autour de nous avec la confirmation du rebond de l’épidémie de covid-19 en France. L’hypothèse modélisée par le simulateur CovidTracker il y a un mois s’est confirmée : doublement du nombre de cas détectés positifs au coronavirus en France en à peine un peu plus de deux mois, passant de 165000 début juillet à plus de 330000 aujourd’hui. Quel est le niveau d’alerte en conséquence ? Nous avons actualisé les calculs du simulateur pour projeter dans l’avenir la situation hospitalière.

Hypothèse R à la baisse confirmée (SI-DEP)

Pour modéliser une seconde vague « sous contrôle » il faut casser la montée exponentielle des courbes. Nous avons présenté l’importance de l’indicateur Reffectif dans plusieurs des précédents articles. Il est révélateur de la dynamique d’évolution de l’épidémie. Les courbes pourront retomber si R repasse en dessous de 1. Reffectif doit donc baisser. Si on se base sur le nombre de tests positifs PCR (SI-DEP), Reffectif baisse effectivement depuis deux semaines, passant d’une valeur maximum de 1,5 vers la mi août à une estimation entre 1,3 et 1,2 ces jours-ci. Le bulletin de Santé publique France du 10 septembre permet de voir ça dans un graphique, tout à fait similaire à ce que vous pouvez trouver tous les jours sur le tableau de bord France CovidTracker.

Extrait du bulletin hebdomadaire coronavirus de Santé publique France, R effectif entre le 15 mars et le 5 septembre, page 20

Pour le simulateur CovidTracker, l’évolution de R est plus lissée, la dynamique générale de la courbe restant similaire (calculs basés sur le nombre de tests PCR, réf. SI-DEP de Santé publique France) :

Graphique du réglage de Reffectif pour le simulateur CorvidTracker, avec l’hypothèse de poursuite des calculs avec une valeur à la baisse.

Nous avons proposé un scénario de « chemin critique » pour piloter la baisse de R, dans l’article du 19 août au sujet de l’endiguement de la seconde vague. La situation en cours est au dessus de ce chemin critique, mais avec une perspective de le rejoindre. C’est un bon signe malgré tout.

Restons vigilants cependant, car la courbe de Reffectif selon les données des passages aux urgences (OSCOUR) ne présente pas la même dynamique : elle a tendance à croître. Il faut peut-être rapprocher cette évolution avec celle du graphique des tranches d’âge concernées par les nouveaux cas positifs (réf. CovidTracker) :

Répartition du nombre de nouveaux tests positifs par tranches d’âge, 24 mai au 6 septembre

Il apparaît clairement que les nouvelles contaminations commencent à se diffuser plus largement vers les tranches d’âges adultes, alors qu’elles concernaient essentiellement les 20-30 ans pendant la fin de l’été. Il y a plus souvent des facteurs de risques vis à vis de la covid-19 chez les personnes moins jeunes. Par conséquent ça pourrait expliquer une augmentation des consultations pour suspicion de covid-19.

Croissance exponentielle du nombre de cas positifs

Si on en croit le graphique à venir, nous n’avons pas fini d’avoir des frissons à l’annonce quotidienne du nombre de nouveaux cas positifs. C’est une conséquence mécanique du fait que Reffectif selon les données SI-DEP reste au dessus de 1.

Graphique du nombre de tests positifs RT-PCR, projection CovidTracker actualisée le 10 septembre.

Le graphique est très proche de la précédente simulation au 31 août, confirmant une certaine justesse des calculs. Nous devrions alors rapidement dépasser la barre des 500000 tests positifs, bien avant la fin du mois de septembre.

En conséquence pour la situation hospitalière à venir

Prenant en compte les calculs précédents (Reffectif et nombre de nouveaux cas positifs), prenant en considération les autres réglages comme constants, le simulateur CovidTracker a été actualisé pour présenter une tendance à venir dans les hôpitaux. Selon notre hypothèse (R à la baisse) et selon nos calculs, la seconde vague resterait « sous contrôle ». Les maximums atteints ne dépasseraient pas les valeurs de la première vague. La situation pourrait alors être gérable, du fait que le virus semble moins agressif tout en restant hautement contagieux.

Simulation CovidTracker pour la situation hospitalière covid-19 France, actualisée le 10 septembre 2020

Le nombre de décès repartirait à la hausse également, de façon non négligeable.

Vigilance et effort collectif

La situation dans les EHPAD et EMS est à l’arrêt vis à vis de l’épidémie, ce qui est assez étonnant, tant mieux.

La présentation de cette simulation a aussi pour objectif de donner une idée du chemin qui serait à parcourir pour éviter la crise. Ça semble possible. Comme on dit souvent : « l’avenir de la situation est entre nos mains« … Ajoutons : « lavées très régulièrement.« 

Philippe Brouard

  1. VOGT Patrick dit :

    Votre schéma montrant une croissance exponentielle des tests est bien sûr faux car pratiquement aucun test n’avait été réalisé durant la première vague où il y avait pourtant des centaines de milliers de malades.
    Votre schéma laisse croire que la circulation du virus est plus forte actuellement qu’en mars !

    • Philippe Brouard dit :

      Bonjour. Merci pour votre interpellation, les critiques sont bienvenues. Peut-être que ma présentation du schéma n’est pas assez détaillée. Je précise que le simulateur fonctionne sur le principe suivant (voir si nécessaire les premiers articles sur ce blog): il recalcule (via un modèle épidémiologique) les données officielles du tableau de bord gouvernemental (réf. cette adresse https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus/carte-et-donnees). La courbe fine jaune foncé correspond aux valeurs officielles (Santé publique France), la courbe jaune clair épaisse correspond aux valeurs calculées. À la gauche du graphique les courbes se superposent, indiquant ainsi que le calcul est correct, c’est à dire, le simulateur est bien réglé. À la droite du graphique, le simulateur continue à tourner pour prolonger les courbes, indiquant ainsi la tendance à venir. Le schéma peut difficilement être faux sur sa partie gauche car il reproduit les données officielles. En revanche, il peut tout à fait être faux sur la partie droite, car il s’agit d’une projection dans l’avenir.

      Votre deuxième remarque est judicieuse. Attention à ne pas tirer de conclusions trop rapides avec la forme de la courbe des tests PCR. Oui, avec une plus grande capacité de tests par rapport à mars dernier il y a naturellement la possibilité de trouver plus de cas positifs. Le graphique présenté dans cet article commence à partir de juillet et depuis ce temps la capacité de tests a environ doublé. Remarquons que l’allure de la courbe des tests positifs PCR est bien de type exponentiel alors que la capacité de tester a tendance à progresser linéairement, voire à atteindre un palier (les labos sont surchargés, en attendant une technique plus rapide si elle s’avère efficace). Impossible de dire si le virus circule plus qu’en mars. On peut néanmoins en déduire qu’il a tendance à circuler plus ces derniers temps.

      cordialement

  2. Nicolas dit :

    Travaux remarquables et présentés de façon très claire, un grand bravo.
    Selon votre dernier scénario, on atteindrait donc un « pic » tout début novembre, c’est bien ceci ? Savez-vous quel serait alors (en gros) le rythme journalier de décès à ce moment ?
    Bonne continuation !

    • Philippe Brouard dit :

      Bonjour et merci pour vos encouragements. Oui la simulation proposée prévoit un pic début novembre. Le nombre de décès quotidiens approcherait la barre de 100. Nous sommes encore loin de cette date, donc c’est à considérer avec du recul. D’ici là deux inconnues: est-ce que le nombre R va continuer à baisser (relatifs aux nombre de tests positifs et donc au nombre de nouvelles contaminations) et est-ce que les nouvelles contaminations vont se diffuser plus largement dans les tranches d’âge plus élevées?

  3. EllaK dit :

    Bonjour,

    Je ne reviendrai pas sur la difficulté de donner un sens aux tests PCR, en raison du caractère non aléatoire de la population testée, et de la forte évolution des politiques de test, ainsi que de la capacité.
    Un autre point me titille, que ce soit pour la modélisation, ou pour les statistiques descriptives quotidiennes, il s’agit de la date de valeur des tests PCR. Les délais rallongent, et sont fort variables dans le temps et dans l’espace.
    De ce que je vois, les données du passé ne sont pas révisées, peut on en déduire que les dates utilisées pour les statistiques sur les tests sont les dates de résultat, et non les dates de prélèvement ? Si c’est le cas, les données sont très fortement polluées par ce qui se passe sur le terrain, et il est difficile de les utiliser pour quelque analyse que ce soit.

    Merci en tout cas de mettre à disposition des données régulières et de qualité

    • Philippe Brouard dit :

      Bonjour, l’analyse de l’évolution des tests PCR n’est pas simple et comme vous l’indiquez ça nécessite de prendre des précautions. Il y a notamment l’influence du nombre de tests effectués et ça varie tous les jours. L’arrivée annoncée des tests salivaires va encore changer les conditions de dépistage. Pour votre question précisément sur la date qui est prise en compte, la méthode de comptabilisation est en partie détaillée sur le site data.gouv.fr. Il s’agit du jeu de données SI-DEP https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/donnees-relatives-aux-resultats-des-tests-virologiques-covid-19 et on peut y lire : « Le délai de remontée des tests peut excéder 9 jours dans certains cas. Les indicateurs sont ajustés quotidiennement selon la réception des résultats. » Ce sont donc les dates des résultats qui sont choisies comme références. Ce qui veut dire qu’il y avait à une date donnée plus de cas positifs que le cumul annoncé. Malgré ce décalage, nous portons attention à l’évolution du nombre de nouveaux cas quotidiens. Ça permet quand même de faire des estimations sur l’évolution de l’épidémie.

      Merci pour vos encouragements

  4. Jean-Baptiste Le bouquin dit :

    Bravo. Merci. C’est super.

  5. jacques dumonceau dit :

    merci pour votre excellent travail

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