Trois mois et demi de simulation en quinze secondes

La fenêtre temporelle du simulateur CovidTracker va bientôt devoir changer de période pour se déplacer de décembre 2020 à mars 2021. Comme au moment de la précédente translation, n’est-ce pas le moment pour jeter un petit coup d’œil dans le rétroviseur ?

Time-lapse de la situation hospitalière

En reprenant 65 instantanés du simulateur produits entre le 27 juillet et le 10 novembre, l’animation image par image permet de donner une nouvelle perception du temps écoulé, en accéléré.

Covid-19 dans les hôpitaux français, données Santé publique France et simulation CovidTracker, période de fin juillet à mi novembre 2020

Quelques éléments d’analyse du graphique animé

  • Fin juillet et début août les courbes font le prolongement d’une situation avec Reffectif estimé constant dans l’avenir, calé sur la valeur au moment de la projection. À cette période, R est toujours au dessus de 1 et les projections montrent l’accélération de l’épidémie de covid-19 avec l’hypothétique seconde vague qui pouvait se préparer.
  • À partir de mi août, le scénario de seconde vague sous contrôle est proposé sur CovidTracker afin de modéliser des sommets crédibles pour le nombre d’hospitalisations et le nombre de réanimations qui surviendraient au moment de l’automne.
  • Au début du mois de septembre, la nouvelle montée en charge dans les hôpitaux se concrétise, lentement au début.
  • Vers la fin du mois de septembre, la seconde vague s’annonçait modérée. L’épidémie avait tendance à baisser, témoin le nombre de reproduction Reffectif passant vers la valeur 1,0.
  • Au début octobre, il y a eu une brusque accélération des contaminations. Reffectif est remonté très vite à 1,5. La seconde vague a grandit rapidement dans la foulée.

Du crédit pour la simulation CovidTracker ?

C’est assez étonnant de regarder comment la boucle du GIF animé montre la différence entre les valeurs réelles au 10 novembre et le retour aux valeurs projetées pour le 10 novembre au moment de la simulation du 27 juillet. Il n’y a pas un écart si grand que ça sur les courbes hospitalisations, réanimations et décès, alors que plus de 3 mois séparent les deux dates.

Différences entre les simulations CovidTracker du 27 juillet et du 10 novembre 2020

C’est un peu comme si la valeur de Reffectif au 27 juillet pouvait correspondre à une valeur moyenne pour la période écoulée jusqu’à début novembre. Le 29 juillet, nous posions la question sur le site : l’été est-il mal engagé pour préparer l’automne ? Reffectif était estimé vers 1,25. La simulation permet d’en déduire que c’est une valeur à éviter de dépasser sur du long terme.

Le pic est devant nous mais au moins on voit ce pic

L’infléchissement des courbes se fait clairement sentir dans la graphique animé. La prochaine simulation pourrait montrer une situation un peu moins chargée que celle prévue la semaine dernière. C’est vraiment le signe que Reffectif se situe en dessous de 1,0 et qu’il faut tenir bon.

Philippe Brouard

  1. EllaK dit :

    exercice délicat, qui met bien en évidence la sensibilité aux hypothèses.

    Je ne sais pas où laisser ce commentaire pas à propos, mais je trouve le tableau des taux d’incidences depuis juillet par tranche d’âge très intéressant (heatmap incidence)
    Empiriquement (je ne m’aventure pas à parler de causalité…) on voit une chute des taux d’incidence chez les jeunes de 20 à 30 ans suite au confinement. Cette chute décroit avec l’âge.
    On y voit aussi que la hausse du taux d’incidence commence dans les tranches jeunes adultes, et se propage vers les plus âgés.

    UN petit graphe linéaire serait sans doute plus parlant que la heatmap ?

    • Philippe Brouard dit :

      Bonjour EllaK. Il y a beaucoup de données sur le site! Parfois, on ne sait plus où donner de la tête. Oui, le tableau heatmap incidence en fonction des tranches d’âges est très parlant, très utile. Il y a une version plus linéaire dans l’onglet « Répartition suivant l’âge », au même niveau que ce tableau heatmap. La lecture de ce graphe est moins facile. La première analyse qui me vient, c’est que l’épidémie se déplace en ce moment vers les tranches d’âges élevés. C’est peut être à rapprocher du fait que la situation dans les EHPAD ne s’améliore pas, on n’y perçoit pas « d’accalmie » à venir selon l’allure des graphes. Cordialement

  2. Daniel Le Breton dit :

    Voilà des choses intéressantes. Ce qu’on remarque rapidement c’est une bizarrerie dans les projections de la courbe des hospitalisations (en jaune). Les fluctuations qu’on remarque traduisent une instabilité du solveur d’équations différentielles (RK4 ?). Les fluctuations sont à réserver à la récolte des données, pas aux modèles. Dans ce cas cela traduit toujours un problème de résolution des équations (j’ai vécu ça il y a quelques semaines, il y avait bien un bug dans une équation). Si vous suiviez les tendances des chiffres publiés vous vous apercevriez qu’on est très proche du pic des hospitalisations, la dérivée est en train de plonger vers zéro, c’est une question de jours. A coté votre courbe des réanimations apparaît réaliste, n’est-ce pas elle qui est au centre des ajustements que vous faites au modèle ? Votre article montre qu’en fait vous procédez à des ajustements de courbes avec une machine à calculer savante, mais cette machine n’est pas validée, loin de la. Souvenez-vous des prédictions du début de la première vague par las anglais et les asiatiques, elles ne valaient pas tripette.
    La première chose à faire avec un modèle c’est de s’en méfier surtout s’il n’est pas encore validé par l’expérience (la simulation de la réalité). S’il est robuste vous pouvez prétendre à faire des prédictions (et pas des projections). Tout cela n’aurait pas d’importance si ça restait une joute universitaire, mais Pasteur utilise un modèle basé sur les mêmes principes fondamentaux que vous, et porteur des mêmes défauts. Il est facile de s’en apercevoir, la publication des courbes dans Les Echos du 4 novembre dernier est révélatrice. Si vous me contactez je peux vous envoyer les éléments d’analyse. Ça ne serait pas grave si ces « modélisations » n’étaient utilisées pour forger une politique qui va nécessairement faire des dégâts économiques et sociaux. Que Pasteur milite pour protéger la médecine, ça peut se comprendre, mais qu’on utilise des modélisations aussi approximatives pour les exposer à des gens totalement ignorants des subtilités de la modélisation, ça dépasse les bornes de l’entendement.
    Les chiffres des données vous parlent, mais vous ne les écoutez pas.

    • Philippe Brouard dit :

      Bonjour Monsieur Le Breton
      Oui, vous avez bien compris le principe de la simulation CovidTracker: c’est un modèle numérique que j’ajuste au jour le jour selon que la situation va dans le bon sens ou pas. Ce modèle n’a pas été validé par la communauté scientifique, c’est une création nouvelle, que je partage sur le site. Pour ma part, je ne fais pas partie des réseaux de la Recherche. Pour le reste de vos remarques, je les trouve peu agréables, mais toute réflexion scientifique a besoin de contradictions et de contradicteurs. Donc vous faites bien de nous faire part de votre analyse. C’est en partageant nos points de vues et nos recherches que nous pouvons avancer. Je pense qu’un grand nombre de personnes peuvent comprendre les informations publiées sur CovidTracker, nous essayons d’avoir une approche pédagogique. Des lecteurs nous l’ont fait remarquer. Nous parions sur l’intelligence collective, ça donne de l’espoir, non? Je ne connais pas les « gaussiennes », mis à part que l’allure du pic épidémique peut faire penser à une courbe de Gauss, en partie. Oui, il faut avancer avec prudence sur les modèles, qu’ils soient SIR, SEIR, Gauss, ou CT. Continuez à nous lire, merci.

  3. Daniel Le Breton dit :

    Bonsoir et merci pour votre réponse. Je ne fais pas de sentiment avec les chiffres ni avec les modèles, je dirai même que j’ai tendance à les torturer pour qu’ils avouent ce qu’ils cachent. En plus je ne fais pas dans le politiquement correct et je parle cash ce qui n’est pas agréable j’en conviens, mais l’expérience montre que ça marque les esprits et c’est le but recherché. C’est mieux de l’affronter sur ce site que de se voir épinglé dans les journaux (C. Hill).
    C’est justement pour attiser l’intelligence collective que je vous ramène au niveau du sol. Analyser des données avec des machines savantes, c’est très bien, mais il faut expliquer si ce qui en ressort a une chance d’être confirmé par la réalité un jour, sinon on reste dans les limbes intellectuels. Pour éclairer le lecteur, il faut lui expliquer ce qui est et ce qui n’est pas, les deux sont importants pour le discernement. On n’est pas là pour lui expliquer « ce qu’il faut retenir de ou penser de » mais pour le laisser se forger sa propre opinion avec des informations aussi pertinentes que possible.
    On continue d’entendre qu’il faut rester prudent sur l’amélioration qui s’esquisse. Les chiffres sont tombés et indiquent le passage de deux pics durant ce week end (33 000 hospitalisations, loin de votre dernière estimation, et 4900 réanimations). Je me suis aussi fait surprendre avec mes pronostics. Pas trop mal pour les hospitalisations, mais trop pessimiste sur les réanimations. Et il ne s’agit pas d’une « esquisse » d’amélioration car le retournement de tendance date d’environ deux semaines, ainsi le confinement n’y est encore pour rien. La tendance reste gravée dans le dur, voilà une information qui devrait rendre espoir, à condition qu’elle sorte. Nous sommes maintenant du bon coté de la plaque et il va falloir surveiller la vitesse de descente.
    Le pic de décès journaliers devrait passer le week end prochain avec en moyenne 600 cas (pas le jour de la réintroduction des décès en Ephad comme le vendredi par exemple).
    Pour l’instant, seuls les cas répertoriés (peu fiables) peuvent servir de guide et un petit coup de gaussienne laisse entrevoir un passage sous les 5 000 cas par jour avant début décembre. Ce serait une sacré ironie de l’histoire si ça se présentait ainsi. Je n’y crois pas trop, mais comme je me suis déjà fait surprendre je reste circonspect. Le premier ministre va devoir prier pour que ça n’arrive pas, les chances de se voir savonner la planche par l’épidémie elle-même ne sont pas complètement nulles même si elles sont encore faibles. On va deviser dans les médias sur les raisons de cette baisse (couvre feu, congés de la Toussaint, mesures de re confinement) qui est en fait entamée depuis mi octobre : le premier signe apparaît le 22, et si on compte 6 jours pour la transmission et 3 pour les résultats PCR, les choses ont ainsi évolué avant mi octobre, donc avant le couvre feu.
    Je reviens un instant sur les bases de l’épidémiologie. Nous sommes en ligne quant au Reffectif en début de la vague actuelle (c’est la troisième en fait, qui a fait avorter la seconde fin septembre), disons 1,25 ce qui traduit l’effet des mesures barrières (on n’en est plus à Ro=3). Le taux de positivité qui bloque l’évolution d’une telle épidémie, c’est 1-1/Ro donc ici 20%. C’est le chiffre observé par les autorités fin octobre / début novembre, aujourd’hui on se situe vers 17%. Ce phénomène serait-il une des principales causes de l’évolution sensible constatée depuis le tout début de ce mois ? Autrement dit est-ce que l’épidémie régresse d’elle-même en partie, et va probablement se faire laminer par le confinement ? Y aura-t-il un jour une autre vague dans ces conditions ? Ces questions n’ont pas encore de réponse et la ligne stratégique gouvernementale inspirée par le monde médical reste la peur du lendemain et la résignation en attendant le débarquement salvateur des vaccins pour écraser définitivement l’ennemi. Il nous aura manqué un de Gaulle de la santé. Bon courage pour la suite, c’est votre génération (celle de mes propres enfants) qui va payer la facture.

  4. jean spolmayeur dit :

    Bonjour à tous,

    Merci pour votre site, il éclaire la situation actuelle de manière très explicite …. on peut bien sur chipoter sur les méthodes et entrer des des débats certainement passionnant entre statisticiens.
    Je suis de formation ingénieur, les pieds bien sur terre et j’ai toujours considéré les approches statistiques comme un outil d’ analyse et d’ aide à la décision et jamais comme une fin en soi.
    Votre initiative a aussi le mérite d’ éclairer par des chiffres cette crise, de fournir aux médias cet éclairage et on peut remarquer qu’enfin après 6 mois de crise ces chiffres commencent à s’inviter dans les débats entre spécialistes avançant leurs opinions sans jamais les appuyer sur des données.
    Merci donc de participer à cette élévation du débat et bravo pour votre talent à illustrer de façon très pédagogique les tendances.

    Bien à vous, Jean

  5. […] see this time-lapse (Ultra-accelerated effect produced frame by […]

  6. MPC dit :

    Bonjour

    Je me permets de vous contacter car je ne comprends pas la source des données utilisées concernant les modélisations.

    Par exemple je ne retrouve pas les modélisations de PASTEUR
    https://www.leparisien.fr/societe/covid-19-les-projections-de-l-executif-etaient-elles-trop-alarmistes-14-11-2020-8408331.php

    sur le mois d’octobre, il y avait un écart important entre les modélisation et le réel.

    Merci d’avance

    • Philippe Brouard dit :

      Bonjour
      Je n’ai pas eu accès à d’autres modélisations de l’Institut Pasteur que celle que le Gouvernement a montré en conférence de presse. C’est en faisant une capture écran que j’ai pu les analyser un peu plus en détail.

      En ce qui concerne les écarts entre la modélisation et le réel, deux choses à considérer:
      1) Lorsque R bouge de façon importante et lorsque la dynamique de l’épidémie est rapide, c’est très difficile de viser juste. C’est un peu comme pour un coureur de biathlon qui arrive à son stand de tir. En plein effort et à un certaine distance, un petit écart suffit pour rater la cible.
      2) Avec la simulation, calculer le haut de la vague reste un exercice périlleux car il s’agit d’une position d’équilibre. C’est le moment où l’ensemble des flux forment une situation qui pourrait être stable. Tous les paramètres sont en jeu sur un moment singulier de la courbe. Quand la pente est raide, cet instant d’équilibre est encore plus incertain.

      Je crois que pour ces deux raisons, les modélisations sont moins fiables à ce moment. En revanche ce qui a été plus précis, c’est la prévision du moment où la situation de pic pouvait se produire.

      cordialement

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